"Les cloches de San Salvatore arrachèrent Joseph Breuer à sa rêverie."
Vraiment bon. Habile mélange de roman, d'Histoire et de vulgarisation philosophique. Agréable et intéressant.
Pour mon deuxième Irvin Yalom, je partais confiant. Je ne suis pas déçu au final, même si l'intrigue et la narration restent inférieures à celles de La méthode Shopenhauer.
Ce roman décrit une relation imaginaire entre deux personnages historiques réels : Friedrich Nietzsche et Joseph Breuer. Un philosophe de génie et un médecin génial, précurseur de la psychanalyse. Freud passe aussi de temps en temps, en tant que fils spirituel de Breuer.
Le but de la présence de Freud, c'est d'observer la naissance des grands principes de la psychanalyse. L'ouvrage (réel) publié par Freud et Breuer en 1895, Etudes sur l'hystérie, posera les bases de la thérapie par la parole. Le roman se déroule en 1882, les idées sont déjà dans leurs esprits.
Cette phase historique est intéressante, même si parfois cela tombe presque dans le scolaire.
"La méthode transversale est une observation unique, à un moment donné. Dans ce cas précis, c'est constater que les patients plus âgés ont moins de migraines que les plus jeunes." p139
Le vrai héros ici, c'est Nietzsche. Il entre en scène dès le début, mais il ne prend toute sa place qu'au milieu de l'intrigue. Breuer essaye de soigner "le désespoir" de Nietzsche, et fini par lui proposer un pacte. Les deux hommes vont expérimenter une thérapie réciproque par la parole, une psychanalyse croisée.
"Comprenez-moi bien: je n'ai aucun rêve d'immortalité. La vie que je souhaite fuir, c'est celle de la bourgeoisie médicale viennoise en 1882. D'autres, j'en ai bien conscience, me l'envient; moi je la déteste, je déteste sa monotonie, sa prévisibilité, à tel point que je vois souvent cette vie comme une condamnation à mort. Vous comprenez ce que je veux dire, Friedrich?" p359
Les deux personnages sont fascinants, très patiemment décris et intégrés. Le coincé Breuer et le fou visionnaire Nietzsche. Quelques instant d'émotion, c'est aussi la naissance d'une amitié.
Enfin, au cours de cette histoire, Nietzsche élabore ses théories, qui aboutiront à la publication d'Ainsi parlait Zarathoustra, en 1885.
"L'éternel retour signifie que vous devez décider d'accomplir pour l'éternité chacun de vos actes. Et il en va de même pour chaque acte qui n'est pas commis, chaque pensée mort-née, chaque choix contourné. Toute vie non vécue restera en vous, en gestation, pour l'éternité, et la voix non entendue de votre conscience ne cessera de monter à vos oreilles." p403
Je ne suis pas documenté pour formuler un jugement sur la fidélité historique, ou philosophique de ce roman. J'ai aimé le style clair d'Irvin Yalom, qui a rendu intelligible tout ce contenu.
Cette somme de connaissance, je l'ai lu très vite. C'est aussi un plutôt bon roman, avoir réussit à garder une cohérence malgré la multitude des thèmes est proche de l'exploit.
Et Nietzsche a pleuré, Irvin Yalom, Livre de poche, 1992
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