"La caméra volante nous pistait depuis notre entrée sur l'anneau périphérique."
Hier soir, elle était grande, belle et lesbienne. Elle m'a balancé l'équivalent d'un coup de batte dans les genoux.
- Tu fais quoi à part travailler?
- Rien.
- Beaucoup d'enfants précoces finissent comme ça.
J'ai reculé de deux mètres, me suis pris la tête entre les mains et je lui ai demandé qui elle était. Elle ne m'a pas répondu.
Comment une pétasse de 20 ans peut-elle remettre ma vie en perspective? La phrase m'a choquée, elle ne cadrait pas du tout dans le contexte (alcool, amis, tour Eiffel et jongleurs de feu). 24 heures plus tard, j'ai compris qu'elle a appuyé sur un point sensible. Qu'elle cadrait parfaitement dans une période de réflexion qui a débuté avec la lecture de la Zone du Dehors d'Alain Damasio.
Ce livre est tombé au bon moment pour moi. Je ne sais pas s'il vous fera le même effet. Mais personnellement, il a amorcé un changement, que j'espère massif et profond. Je ne serai plus le même dans quelques mois, et c'est encore Alain Damasio qui m'aura donné le coup de pied au cul nécessaire.
Ce livre parle de liberté.
Ce livre vibre, pulse, exprime la liberté. Damasio fait passer physiquement son message, donne envie de courir, de crier.
Il conjugue une puissance théorique et une maîtrise du roman qui rend tout ses bouquins irrésistibles. On peut y trouver de la réflexion, de l'action, le tout dans un rythme incroyable, avec suffisamment d'énergie pour prendre le cerveau du lecteur en otage.
La Zone du Dehors. Une société futuriste, très organisée, gérée au maximum. Une démocratie dans laquelle chacun surveille son voisin. Fichage, système de caste. Dans cette horreur, finalement pas si futuriste, des rebelles cherchent à casser les schémas, à libérer de l'énergie. Leur groupe s'appelle la Volte. Le héros du roman, Capt, fait partie des leaders du mouvement. Il appelle sa copine Boule de Chat.
Comme je ne connais pas le prénom de ma rencontre d'hier, à partir de maintenant ce sera Boule de Chat. A l'image de celle du roman, elle donnait l'impression d'être libre par nature. Et hier soir, ça m'a fait mal.
La comparaison était trop douloureuse. Illustré par la Zone du Dehors : La Molte.
Dans le mouvement se lance un débat: action violente ou éducation progressive de la population? Révolution ou politique? Après une assemblée générale tendue, le mouvement se divise en deux : ceux qui assument l'action violente restent la Volte, les autres partent. Ces derniers, les politiciens, sont baptisés la Molte par ceux qui reste.
J'ai toujours fait partie de la Molte. Consensuel, sympa, souriant. Rassurant. Éviter les conflits, vivre confortablement. Tenir de grands discours sur l'intégration, mais baisser la tête en croisant une bande d'arabes qui parlent fort.
Récemment, j'ai commencé à vouloir changer. Sensation de vide. Le premier qui dit "crise de la trentaine" se prend un coup de boule.
Après avoir fini ce bouquin (en poussant un cri dans le RER à la lecture de la dernière phrase), je l'envisageai comme un médicament. Quelque jours après, je devais passer un entretien, pour travailler avec une bande d'anarchistes. J'ai pensé relire certains passages, pour me mettre dans le bon état d'esprit. Pour avoir l'air libre. Un petit shoot de Damasio comme on gobe de la MD.
Aujourd'hui je réalise à quel point je trahissais l'esprit de l'auteur. Je voulais un masque différent, plus agréable. Je vais devoir aller plus loin que ça.
Je vais écrire plus, plus fort et plus percutant. Je vais tout faire pour retrouver mon intégrité, assumer tous mes actes. Je vais apprendre à dire ta gueule plus souvent.
Et je partirais à la recherche de Boule de Chat. Mais le jour où je la retrouverais, je veux être libre. Je veux qu'elle le sente.
- Tu fais quoi à part travailler?
- J'écris.
- Petit branleur.
Pas une thérapie, un changement.
La Zone du Dehors, Alain Damasio, 1999, Editions La Volte
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