8.2.15

Déménagement

Ce blog s'est déplacé sur uneviedelecture.fr .

8.7.14

Madame Bovary - Gustave Flaubert

"Nous étions à l'étude, quand le Proviseur entra, suivi d'un nouveau habillé en bourgeois et d'un garçon de classe qui portait un grand pupitre."
J'ai lu Madame Bovary parce que John Irving considère ce roman comme le meilleur jamais écrit. En général je suis confiant en attaquant un classique, je ne pense pas qu'on entre dans l'histoire par hasard. Flaubert a encore confirmé cette idée : Madame Bovary est un chef d'oeuvre, c'est une évidence. Ici on parle d'amour, avec une force, une ampleur impressionnante.

Emma Bovary. On commence par la détester, et on finit par avoir pitié d'elle. Son côté pimbêche insatisfaite est totalement insupportable, mais à la longue, on finit par la comprendre. Et par avoir peur de lui ressembler.
"Elle n'était pas heureuse, ne l'avait jamais été. D'où venait donc cette insuffisance de la vie, cette pourriture instantanée des choses où elle s'appuyait? Mais, s'il y avait quelque part un être fort et beau, une nature valeureuse, pleine à la fois d'exaltation et de raffinements, un cœur de poète sous une forme d'ange, lyre au cordes d'airain, sonnant vers le ciel des épithalames élégiaques, pourquoi, par hasard, ne le trouverait elle pas ?" p421
C'est donc l'histoire d'Emma Bovary, insatisfaite chronique, éternelle adolescente, de ses histoires d'amour foireuses et de son malheur que quelque part elle mérite bien.
"L'amour, croyait elle, devait arriver tout à coup, avec de grands éclats et des fulgurations, ouragan des cieux qui tombe sur la vie, la bouleverse, arrache les volontés comme des feuilles et emporte à l'abime le cœur entier." p187 
Elle voit trop grand, elle veux trop. Et malgré toutes les merdes qui peuvent lui arriver, elle y croit toujours. Pour moi, Emma représente quelque chose d'important dans l'esprit français. Nous valons mieux que ce qui nous arrive, aucun doute là dessus.
"Tout bourgeois, dans l'échauffement de sa jeunesse, ne fut-ce qu'un jour, une minute, s'est cru capable d'immenses passions, de hautes entreprises. Le plus médiocre libertin a rêvé des sultanes; chaque notaire porte en lui les débris d'un poète." p428
Ce personnage est tellement caractéristique qu'une expression est née : le Bovarisme. Je ne peux m’empêcher de me sentir concerné, moi aussi j'ai beaucoup lu et je cherche toujours à avoir plus que ce que j'ai.

Il ne faut pas lire ce roman trop jeune. Je pense qu'il faut un minimum de vécu pour en profiter pleinement. Par exemple, Madame Bovary contient la lettre de rupture la plus lâche et la plus banale possible. A 30 ans, cela rappelle forcément un souvenir un peu sale, bourreau ou victime on a forcément vécu ce genre de moment. A 15 ans, ça ne m'aurait rien évoqué, je n'aurais même pas remarqué ce passage.
"Je serai loin quand vous lirez ces tristes lignes ; car j'ai voulu m'enfuir au plus vite afin d'éviter la tentation de vous revoir. Pas de faiblesse ! Je reviendrai ; et peut-être que, plus tard, nous causerons ensemble très froidement de nos anciennes amours. Adieu !" p316
Si vous ne l'avez pas lu, petit avertissement : le premier tiers est clairement ennuyeux. Beaucoup de lecteurs ont dû s'arrêter là. Plus tard, il devient évident que le début de la vie d'Emma, chiant à mourir, est le contexte indispensable pour la suite. C'est chiant, mais c'est volontaire.
"La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d'émotion, de rire ou de rêverie." p106
J'ai été marqué par Madame Bovary. Le piège d'une vie rêvée. J'ai aimé le lire, j'ai dévoré la deuxième moitié, et mes réflexions personnelles ont profité de ce moment. Je le relirai un jour, et je pourrais mesurer le chemin parcouru.
"Elle était l'amoureuse de tous les romans, l’héroïne de tous les drames,  le vague elle de tous les volumes de vers." p397
Madame Bovary, Gustave Flaubert, 1857

31.5.13

Les réseaux du coeur - Pascal Lardellier

"En France, on compte environ 15 millions de célibataires, et la moitié d'entre eux fréquente régulièrement un site de rencontre online."

Vraiment décevant. Je m'intéresse aux sites de rencontres, et cet ouvrage m'a attiré. Sur le quatrième de couverture, la phrase "le Web consacre l'avènement du marketing amoureux, du zapping relationnel et de la rencontrophagie" m'avait fait espérer un point de vue critique et profond sur le sujet. J'ai dû me forcer pour finir.

Le texte comprend pourtant quelques analogies bien trouvées, l'auteur compare par exemple les sites de rencontres à des bals masqués.Tous anonymes, tous désinhibés.

"Le web est un espace carnavalesque, où chacun peut parler librement à ceux dont le masque lui plaît. L'anonymat, les jeux de rôle et les stratégies identitaires régissent la présentation de soi." p49

Mais au lieu de monter en puissance dans l'analyse, il tourne en rond et ne fait que décrire. Une phrase de l'extrait précédent illustre bien cet aspect : "les stratégies identitaires régissent la présentation de soi". Sans blague, voilà qui est nouveau...

"Avant d'atteindre leur Graal - le couple - ils ont ramé, ont essuyé des déceptions, failli jeter l'éponge, justement à cause du cynisme ambiant, de cette impression désagréable d'être un produit dans un supermarché, et de soi-même feuilleter un catalogue géant aux pages pleines de personnes pouvant être consommées." p148 

Je suis totalement d'accord avec lui concernant la marchandisation des utilisateurs sur les sites de rencontres, et sur la déshumanisation qui en découle. Mais j’espérais trouver de nouveaux éléments d'analyse et je suis resté sur ma faim.

On sent que l'auteur peut mieux faire, il est évident qu'il n'a pas forcé son talent. Il a réuni dans un ouvrage différents articles qu'il a écrit, il a enrobé le tout avec des textes de liaisons. Le plus énervant, c'est qu'il a un style assez agréable, et qu'il a totalement les moyens d'écrire un ouvrage référence sur le sujet. Ce ne sera pas celui là.

Les réseaux du coeur, Pascal Lardellier, 2012, François Bourin Editeur

25.1.13

La vie au Moyen Age - Robert Delort

"Le Moyen Age a vu se préciser et s'épanouir ce monde que, suivant certains, "nous avons perdu" ou que, suivant les autres, nous sommes de toute manière en train de perdre."
Premier coup d’œil : ce bouquin est le moins sexy de la terre. "La vie au Moyen Age", le titre ne fait déjà pas rêver, la couverture trouve le moyen d'être plus rude encore. Et pourtant, j'ai aimé ce livre, j'en ai parlé autour de moi des semaines.

Il y a un truc. Je suis un ancien étudiant en histoire, ce n'est donc pas anormal que j'ai ouvert "La vie au Moyen Age", ce genre de chose m'intéresse. Mais je n'ai jamais été attiré par le Moyen Age, que j'ai toujours considéré comme la période la moins intéressante de l'histoire occidentale.

Roger Delort a trouvé comment m'intéresser. Tout d'abord, il y a des loups.
"Les loups, au contraire, ont profondément marqué le Moyen Age par leur nombre, leur force, leurs ruses, leur pugnacité, leurs contacts permanents avec les hommes. La forêt occidentale n'était que la continuation de la grande taïga eurasiatique, réservoir inépuisable de ces bêtes légères, rapides, ubiquistes, qui pouvaient, en troupe, couvrir en quelques jours des centaines de kilomètres et hanter les longs et froids hivers qu'a connu l'occident." p23
Le premier élément fort, c'est le rapport à la mort, tellement différent de celui de notre époque. La mort, c'est partout, tout le temps. Voir un corps sans vie, c'est dur,  mais à l'époque, tout le monde l'a vécu. Le contexte religieux rend les choses plus facile à accepter : pour l'homme du Moyen Age, la vie terrestre n'est que la première partie de l'expérience.

Le mot cartésien n'a pas encore été inventé, et beaucoup des modes de pensée de l'époque sont inimaginables aujourd'hui. Un exemple : le rapport au temps.
"On continue à décompter les heures suivant l'habitude romaine : 12 heures de jour et 12 heures de nuit. [...] Il faut bien voir que ces heures de jour ou de nuit était très approximatives, et en tout cas différentes de nos heures de 60 minutes, pour l'excellente raison que seuls les équinoxes comportaient des jours égaux aux nuits." p63
Le Moyen Age, l'époque obscure sans aucune découverte scientifique majeure. Les Hommes agenouillés dans l'ombre de Dieu, restant figés dans le même mode de pensée.
"Il n'est guère exagéré de dire que, non le véritable homme de science capable de progrès, mais le "vulgaire a cru ou su la même chose durant 1000 ans."" p74
Pourtant près avoir dévoré "La vie au Moyen Age", les Hommes de l’époque me sont apparus étonnamment sympathiques. Un sentiment clairement résumé par la dernière phrase du livre :
"Un monde où la bonne marchandise l'emportait sur le gain, la fraternité sur la compagnie, le bien commun sur l'intérêt privé, la résignation sur l'entreprise, la masse sur l'individu." p274
La vie au Moyen Age, Robert Delort, 1981, Points

26.12.12

Citoyens clandestins - DOA

"Dans son oreille droite, il y avait la vie."
Du bon, du lourd. Pas un chef d’œuvre, mais un thriller vraiment prenant avec des scènes d'action bien maitrisées.

L'intrigue de Citoyens clandestins se situe entre plusieurs milieux : terrorisme islamique, espionnage, presse. Beaucoup de personnages, beaucoup d'interactions. C'est parfois complexe, à tel point que l'auteur a ajouté une liste des principaux personnages à la fin du livre. Indispensable cette liste de 27 noms, j'ai essayé de m'en passer mais je n'ai pas tenu longtemps.
"L'une des têtes était légèrement en retrait. La première balle la fit s'affaisser d'un seul coup. Lynx entendit à peine le claquement métallique de la culasse du Vintorez et, un court instant, imagina le parcours destructeur de l'ogive, molle, alors qu'elle se déformait dans la boîte crânienne de sa cible." p40
Mais cette complexité de la trame est compensée par un réel talent pour l'écriture des scènes d'action. La tension est très bien gérée tout au long du roman, et vous fait rapidement perdre la notion du temps.

Les mots clés terrorisme/espionnage/presse le présageaient : on est ici dans le complot à grande échelle, avec des menaces, des mensonges, des filatures, des couvertures, une enquête. Les personnages les moins crédibles sont les journalistes, qui ne font pas grand chose d'autre que se faire manipuler par les espions.
"Le journaliste ressortit après une demi-heure. Un taxi était là depuis quelques secondes et il s'engouffra dedans. Inutile d'essayer de le suivre. Karim pensa : petit coup rapide, confrères et amants. Toujours pas de lumière au niveau du balcon. Il décida néanmoins d'attendre que quelqu'un arrive pour se glisser à sa suite dans le hall. Il devait essayer de trouver le nom de l'occupante de l'appartement du quatrième. Il était encore tôt, il avait ses chances. " p396
Malgré ses défauts, ce roman est une réussite. J'ai dévoré les 730 pages en quelques jours, et j'ai connu quelques bonnes poussées d'adrénalines. De l'action, pure et intense. 

Citoyens clandestins, DOA, Folio Policier, 2007

6.12.12

Comprendre le monde - Immanuel Wallerstein

"C'est au début des années 1970 que voit le jour une nouvelle façon d'appréhender la réalité sociale : l'analyse des "systèmes mondes"."

Je l'ai acheté pour son titre. Et il a trainé trois ou quatre ans dans ma bibliothèque. Je ne suis pas vraiment déçu de ce que j'ai lu, même si au final je ne pense pas mieux comprendre le monde. De nouveaux outils d'analyse, certes, mais pas de révélation fracassante. C'est un peu survendu, mais ça reste bon.

"Le slogan de Mme Thatcher, premier ministre britannique de 1979 à 1990, sous-tend largement l'analyse qui nous est proposée : TINA (there is no alternative). On nous dit qu'il n'y a pas d'alternative à la mondialisation, et que les gouvernements doivent se plier à ses exigences." p4

Attention : ce livre s'adresse à ceux qui ont étudié les sciences humaines, même rapidement. Il vaut mieux connaitre le mot épistémologie, un quart du texte portant sur l'évolution de la connaissance à travers l'histoire.

Immanuel Wallerstein propose un changement d'échelle dans l'analyse du fonctionnement du monde. Ne plus réfléchir sur les Etats, mais sur le système monde, un concept regroupant tous les pays impliqués dans la mondialisation.

"Les origines du monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, le système monde moderne, remontent au XVIe siècle. Le système monde se trouvait alors uniquement dans une certaine partie du globe, principalement les régions d’Europe et d'Amérique. Au fil des siècles, il s'est étendu à toute la planète." p43

Cette réflexion ne se situe pas seulement dans un cadre géographique élargi, mais également dans une vision de long terme. Pour l'auteur, la mondialisation n'est pas un phénomène récent, elle s'est mise en place progressivement depuis 500 ans.

Ce cadre est utilisé pour étudier les relations entre pays, entre groupes sociaux ou politiques.

"Les États forts font pression sur les États faibles afin qu'ils acceptent des pratiques culturelles- politique linguistique, modèle éducatif- qui renforceront, à long terme, les rapports qu'ils entretiennent." p90

La thèse de l'auteur tient en une phrase simple : notre système-monde moderne est en crise. Un mot qu'on entend tellement souvent, mais qui prend un nouveau sens. Ici, on parle de crise systémique. Cette période de trouble aurait commencé dès 1968, année qui selon l'auteur marque la fin de la suprématie libérale.

La conclusion est décevante, l'escroquerie du titre est alors évidente. Pas d'explication nouvelle, au mieux une façon originale d'analyser la situation. Le sous-titre "Introduction à l'analyse des systèmes-monde" est nettement plus honnête.

Comprendre le monde, Immanuel Wallerstein, La Découverte, 2004

30.10.12

Grandeurs et misères des stars du net - Capucine Graby et Marc Simoncini

"Les "fabuleuses histoires" des prodiges du Net français enthousiasment les éditorialistes étrangers"

Pour mon anniversaire, on m'a offert ce livre deux fois. Je suis en train de monter un projet de site web, deux de mes amis ont eut la même idée. Je l'ai donc lu. Deux heures de train ont suffit.

Il s'agit d'une galerie de portraits, cinq millionnaires et un milliardaire, des français qui ont fait fortune sur  internet. Le fil rouge du livre : leurs échecs. Et les rebonds qui ont suivi. Ils ne faut pas exagérer, on ne va pas non plus écrire un bouquin sur de vrais loosers.

Pour donner mon point de vue clairement, c'est un peu léger.C'est écrit rapidement, on trouve souvent des phrases dans ce genre :

"Sa solution miracle? La combinaison d'un parcours sans fautes et de très jolis coups." p169

Et hop, trois lieux communs. Pas très bien écrit donc, mais certains des témoignages peuvent être intéressants. Le récit de l'interpellation de Xavier Niel, on ne s'en lasse pas.

Parmi les confidences de ces millionnaires, j'ai beaucoup aimé celles celle de Pierre Kosciusko-Morizet, le fondateur de Priceminister, également fils du maire de Sèvres et frère de la ministre du même nom. Alors qu'il essayait de lancer sa première boîte, PKM a connu la galère.

"A l'époque, lorsque j'allais en boîte, je payais l'entrée mais je ne pouvais pas boire un verre !" p105

Dur. Puisqu'on vous dit que c'est la crise. C'est une constante au cours du récit, la déconnexion de la réalité de ces hommes, pour la plupart issus de familles déjà riches (Xavier Niel étant l'exception, partant de plus bas il s'est bien rattrapé). Exemple avec Fabrique Grinda, qui a fondé OLX.

"... le trentenaire a emménagé à l'hôtel Mercer la semaine et loue une maison d'architecte ultra-design en pleine nature dans le Wetchester à une petite heure de Manhattan dans laquelle il passe ses week-ends. Il nous assure ne s'attacher à aucun biens matériels" p155

Bref. Pas grand chose de plus à dire sur ce livre. Il laisse une désagréable impression de connivence, on sent bien qu'il ne contient aucune enquête, aucune vérification de ce que peuvent raconter les interviewés.

Grandeurs et misères des stars du net, Capucine Graby et Marc Simoncini, 2012, Grasset