16.10.11

The Game - Neil Strauss

"Un vrai champ de bataille, cette maison."

Je m'apprête à m'enflammer. Lire The Game a été un vrai plaisir, je vais tout faire pour vous transmettre cet enthousiasme. Je connaissais l'existence de ce livre depuis des années, mais ce qu'on m'en avais dit ne m'avais absolument pas donné envie de le lire. Je croyais que c'était un manuel pour apprendre à draguer. J'ai découvert que The Game est surtout un bon roman. L'auteur jure que tout les faits sont réels. Tant mieux pour lui.

Neil Strauss, auteur et personnage principal. Monsieur est écrivain, journaliste pour Rolling Stones et le New York Times, rubrique culture. Neil Strauss gère sa vie professionnelle, mais Neil Strauss est coincé. Il n'a jamais été à l'aise avec les femmes. Il est l'archétype de ce qui est appelé dans son livre un PMF : un pauvre mec frustré.

Il va donc intégrer une communauté de dragueurs, qui comparent leurs techniques sur des forums, cherchent à les perfectionner dans un état d'esprit scientifique. Il va rencontrer Mystery, ancien magicien reconverti gourou de la séduction. Un malade mental. Progressivement, Neil Strauss va devenir le meilleur d'entre eux, sous le pseudo de Style. Attention, l'overdose de testostérone est possible à tout moment.

"Je ne mentais pas; je flirtais." p137

Ce groupe définit des techniques, des phrases et des thèmes de conversation prêts à l'emploi qui leur permettent d'oublier leurs complexes. De la manipulation, directement inspirée par la PNL. En situation, cela peut donner ça :

"J'ai glissé un bras sous elle et ai ramené sa tête sur mon épaule. D'abord, je lui ai dit que toutes mes relations passionnées avaient commencé de façon passionnée. Je tenais cette réplique de Mystery, mais j'étais sincère. Ensuite, je lui ai expliqué qu'elle n'aurait peut-être pas dû, mais qu'elle en avait l'envie et le besoin. Cette réplique-là, je la tenais de Ross Jeffries, mais j'étais sincère. Puis, je lui ai dit que j'étais plus mûr que la plupart des hommes qu'elle avait connus, et qu'elle ne devait pas me juger d'après ses expériences passées. Celle-là, je la tenais de David X, Mais j'étais sincère. Enfin, j'ai annoncé que ne jamais la revoir me rendrait triste. Et ça, c'était de moi." p221

Si ce bouquin m'a autant plu, ce n'est pas pour les quelques techniques de drague disséminées dans le récit. C'est surtout la lucidité de l'auteur qui différencie The Game de la plupart des textes type "devenez un homme en suivant mes conseils". Il reconnaît l'aspect artificiel de toute la démarche. Il va même jusqu'à assumer des risques plus importants.

"Effet secondaire de la drague : diminution de l'estime portée au sexe opposé. Le dragueur assiste à trop de trahisons, de mensonges et d'infidélités. Il finit par apprendre qu'une femme mariée depuis trois ans ou plus se laisse plus facilement tenter qu'une célibataire. Il découvre qu'une femme casée couchera dès le premier soir mais ne rappellera pas par la suite. Il se rend compte que les femmes sont aussi nazes que les hommes - mais qu'elles le dissimulent mieux." p414

Misogynes, superficiels, manipulateurs, narcissiques. Voilà les héros de The Game. Au cours du récit, on assiste à la naissance d'un business. Ils commencent à vivre de leur art, en faisant payer pour des formations, des séminaires. Les hommes frustrés et friqués, ça ne manque pas. Mystery, Style et plusieurs autres V2D (virtuoses de la drague) s'installent ensemble dans une maison à Los Angeles, qu'ils baptisent Projet Hollywood. Très progressivement, les relations entre la dizaines de personnages deviennent malsaines. Entre mecs, difficile d'échapper à la compétition.

"Je suis le plus grand dragueur du monde, a-t-il marmonné. Pourquoi j'ai pas de copine?" p223

L'évolution de Mystery représente le malaise de toute la communauté. Totalement inadapté à la vie de couple, il est à la fois jaloux et infidèle. Ajoutez à cela des goûts de luxe (il cherche à vivre avec deux canons slaves et bisexuelles), un narcissisme clinique et une forte instabilité émotionnelle. Un monument. Un dragueur sûr de lui, mais totalement pathétique. C'est dans les pires moments que la lucidité de Style est la plus plaisante.

"Certains concepts - la sincérité, l'authenticité, la confiance et le lien humain - comptent beaucoup pour les femmes. Or les techniques qu'emploie un virtuose de la drague violent tous les principes nécessaires pour faire durer une relation." p294

Ou encore :

"Je ne jouais plus pour rencontrer des femmes : je jouais pour commander des hommes. Deux des V2D croates qui m'accompagnaient s'étaient même rasé la tête sur mon modèle."p259

J'ai vraiment vécu The Game comme un bon roman. La trame est classique, l'histoire initiatique d'un mec coincé, suivi par une longue déchéance. Les personnages (qui sont tous réels, exemple : Mystery) sont finalement très attachants. L'auteur maîtrise son sujet, et s'amuse visiblement à écrire. Beaucoup de références à Fight Club, la communauté s'en inspire directement en créant des antennes locales (après Projet Hollywood, Projet Austin, Projet Atlanta...).

Je sais très bien pourquoi j'ai été autant marqué par The Game. Je suis un ancien PMF qui se soigne. Certains jours, je réalise que j'en suis encore un.

"Je suis monté dans ma chambre, ai pris une douche puis feuilleté un exemplaire de Perceval, la légende médiévale, que j'avais acheté peu de temps auparavant. Souvent, les gens lisent pour se chercher eux-mêmes et finissent par trouver un auteur qui est de leur avis." p484

Hum. J'ai lu ce livre exactement au bon moment, quand j'ai commencé à saturer de la drague. Passé le premier tiers du bouquin, Neil Strauss est exactement de mon avis. Mais il l'exprime mieux.

J'ai vu des critiques de ce livre sur des forums de "pros de la drague". Ils n'apprécient pas vraiment. Pas assez de techniques fatales, trop de remise en question. J'ai déjà conseillé The Game à deux femmes qui cherchaient à mieux comprendre les mecs coincés. Je le conseille à n'importe qui, pour le plaisir de lecture. Mais que ce soit clair : ce roman ne contient pas de formule magique. Même les meilleurs échouent de temps en temps.

"Pas question que je t'embrasse !
Ces mots m'ébouillantèrent comme du café brûlant. Aucune fille ne me résistait plus d'une demi-heure. C'était quoi son problème?" p432

The Game, Neil Strauss, 2005, J'ai lu

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